« Financement des transports terrestres : la fin d’un modèle, et ensuite ? »

10 décembre 2014 | Actualités de l’AFRA, Actualités du ferroviaire

L'Association française du rail a participé au colloque sur la nouvelle économie des transports en Europe organisé, le 9 décembre dernier, par TDIE. A cette occasion, Alain Thauvette, président de l'AFRA, a répondu aux questions de la Revue Infrastructures et mobilité.

3 questions à Alain Thauvette – Revue Infrastructures et mobilité

Texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Revue Infrastructures et mobilité (tous droits réservés) –  Revue Infrastructures et mobilité, n°143. p.20. Novembre-décembre 2014.

Revue I&M : La nouvelle loi ferroviaire(2) aura-t-elle des retombées positives pour le fret ferroviaire ? Dans le cadre de l’amélioration qu’elle prévoit de la compétitivité, pouvez-vous espérer en particulier une baisse des coûts d’exploitation et de maintenance ?
Alain Thauvette : La situation du fret ferroviaire en France est préoccupante. Depuis 2003, le trafic mesuré en tonnes/km a diminué de 32 % dans l’Hexagone alors qu’il progressait de 15 % en Grande-Bretagne et de 40 % en Allemagne. Néanmoins, depuis 2011, nous connaissons un rebond économique grâce aux opérateurs alternatifs.

La création d’un gestionnaire d’infrastructures unifié à travers l’EPIC « SNCF Réseau » permettra une meilleure gestion des plages de travaux. Cela devrait améliorer la qualité des sillons alloués aux opérateurs. Ceci posé, la réforme doit encore démontrer qu’elle permettra à la France de sortir de l’impasse financière dans laquelle elle s’est engagée. A ce stade, les gains de productivité et de coûts d’exploitation ou de maintenance annoncés par la réforme ferroviaire ne sont nullement garantis. Il est tout aussi essentiel de trouver l’équilibre entre conditions de travail justes et compétitivité face aux autres modes de transport. Le cadre social commun à toute la branche ferroviaire prévu pour 2016 devra maintenir suffisamment de flexibilité et prendre en compte les différences entre les activités. Si nous conservons notre productivité, une reprise du fret ferroviaire en France n’est pas hors de portée.

Revue I&M : L’accroissement des pouvoirs du régulateur (ARAF) devrait-il avoir des conséquences favorables pour les entreprises ferroviaires alternatives quant aux péages ou à l’accès aux infrastructures de services (plates-formes, etc.) ?
Alain Thauvette : Le régulateur veille à l’accès équitable et non discriminatoire de tous les opérateurs au réseau et au retour à l’équilibre financier du système ferroviaire. Avec la réforme, le champ des avis conformes sur la tarification des sillons a été étendu à l’ensemble des infrastructures de services. C’est une évolution jugée positive pour les entreprises ferroviaires car le régulateur s’assurera de la soutenabilité de la tarification pour le marché.

Il appartient aussi au régulateur de veiller à l’intégrité du patrimoine ferroviaire. Certains acteurs pourraient avoir intérêt à récupérer ce patrimoine pour des opérations immobilières. L’AFRA est surtout favorable à une meilleure transparence sur la gestion de ce patrimoine, entre autres quant aux infrastructures de service et de réseau capillaire, essentielles pour desservir les chargeurs. Les décrets d’application de la loi du 4 août 2014 devront organiser une concertation entre SNCF, les régions, l’Etat et les entreprises privées sur les projets de cession, dans la logique de la législation européenne.

Revue I&M : Le principal concurrent du fret ferroviaire est la route. Faut-il lui faire payer davantage ses externalités et/ou augmenter la compétitivité du fret ferroviaire ?
Alain Thauvette : Il y a une attente de la société pour le transfert modal de la route vers le rail. Avec l’agrément des camions de 44 tonnes et l’abandon de l’écotaxe, le transport routier est privilégié. Le fret ferroviaire, au contraire, doit faire face à des coûts importants qui vont encore augmenter. D’un côté, RFF prépare une importante augmentation des péages que toute entreprise ferroviaire doit payer pour faire rouler ses trains ; de l’autre, l’Etat se désengage progressivement du réseau ferré français. La qualité du réseau en souffre, ce qui est déjà un problème pour le fret ferroviaire. L’explosion des coûts aggravera la situation des entreprises ferroviaires en France. Il nous faut une politique ambitieuse pour le ferroviaire en France.

(1) L'Association française du rail regroupe les principales entreprises de fret ferroviaire autre que la SNCF.
(2) Loi du 14 août 2014 portant réforme ferroviaire.

 

Le colloque « Financement des transports terrestres : la fin d’un modèle, et ensuite? » était organisé par l'association TDIE (transports-développement-intermodalité-environnement), le 9 décembre 2014. La table ronde « Focus sur le système ferroviaire : après la loi, comment retrouver un équilibre financier? » réunissait : Jacques Auxiette, président de la commission Transport de l’Association des régions de France (ARF); Guillaume Pepy, président de la SNCF; Paul Plummer, directeur de la stratégie du groupe Network Rail; Gilles Savary, député, rapporteur du projet de loi portant réforme ferroviaire et Alain Thauvette, président de l’Association française du rail. Les intervenants ont notamment débattu de la pertinence des dessertes ferroviaires, du développement de services alternatifs, de l'impact des péages sur les prix du transport, de l’organisation et des gains de productivité, des solutions de financement.

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